
Sans viande !
En 2010, la gastronomie française dans son intégralité est entrée au patrimoine de l’UNESCO (plus précisément, au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité). Selon les experts de l’UNESCO, la cuisine française renforce donc l’identité collective du pays et contribue à la diversité culturelle du monde.
Dans ce concert culinaire, une ville se détache : la capitale des Gaules : Lyon ! Le site patrimoine-lyon.org relate que « depuis 1935 et grâce à Curnonsky, célèbre critique culinaire, la ville porte le titre de « capitale mondiale de la gastronomie ». Dès le XIXe siècle, quand on vient à Lyon, on veut « manger » : d’abord chez les Mères (femmes de caractère et cuisinières exceptionnelles), ces cuisinières d’excellence qui ont contribué à faire de la cuisine lyonnaise une véritable institution ; aujourd’hui dans les bouchons, ces restaurants typiques où l’on vous sert, dans la convivialité, ces plats si typiquement lyonnais, que l’on aime…ou pas… »1. Qui ne connait pas, au moins de nom, Paul Bocuse, le « pape de la cuisine », « Monsieur Paul ». « Chef étoilé, meilleur ouvrier de France en 1961, désigné « Cuisinier du siècle » par Gault-Millau en 1989, il a contribué à donner à Lyon la renommée gastronomique qu’on lui connait aujourd’hui. En 1987, il crée le Bocuse d’Or, l’un des concours culinaires les plus prestigieux au monde et dont la finale a lieu à Lyon, après des sélections en Europe, en Asie et en Amérique Latine. »2
Lyon, capitale mondiale de la gastronomie. Au coeur du vieux Lyon, à côté des toutes aussi célèbres Traboules, de nombreux restaurants vous serviront un tablier de sapeur, de la cervelle de canut, des quenelles lyonnaises, des fromages et autres desserts. Des plats qui tiennent au corps.
1 https://www.patrimoine-lyon.org/traditions-lyonnaises/la-gastronomie-lyonnaise
2 Idem
Dans ce contexte, une décision récente du maire de Lyon déchaine les passions. Les uns y voient enfin un retour à la raison, un progrès sociétal ; les autres une atteinte à cette culture, ce patrimoine, cette obligation, et n’hésitent même pas à porter l’affaire devant les tribunaux3. Parler d’alimentation, c’est toucher à l’humanité, au coeur de l’humain, à ce qui le fait vivre. Jacques Attali, dans son livre Histoires de l’alimentation4, « révèle comment nous sommes passés d’une nourriture variée, naturelle et abondante à des produits alimentaires standardisés, industriels et uniformisés, poisons pour l’homme et la nature. Elle (l’histoire) nous dévoile la puissance immense, économique, idéologique et politique, de l’industrie agroalimentaire. Elle nous raconte aussi les liens méconnus entre la nourriture et la conversation, entre l’alimentation et le pouvoir, entre ce que nous mangeons et la géopolitique »5.
Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon, a en effet décidé que les cantines scolaires de sa ville supprimeront temporairement la viande de tous les menus servis aux enfants. Nous comprenons mieux pourquoi cette décision enflamme. Elle pose à nouveau la question polémique des menus sans viande.
Sans entrer dans le débat de fond, qu’un simple édito ne saurait trancher, il est bon de rappeler quelques éléments factuels. Comme le titrait Le Monde du 27 février « Non, il n’est pas indispensable de manger de la viande pour être en bonne santé. A rebours des affirmations du ministère de l’agriculture, le consensus scientifique estime que les enfants peuvent grandir en bonne santé sans manger de la viande.»6
Au-delà du goût, qui, entre parenthèse, s’éduque également, la consommation de viande coûte à la planète et à la santé. Pour la planète, la production d’un kg de boeuf génère 30 fois plus de CO2 que celle d’un kg de légume !7 En plus des écologistes, des chercheurs à l’INRA comme certains économistes invitent fortement à diminuer la consommation de viande, surtout dans nos pays, et donc sa production intensive.
Nous pourrions aussi aborder le bien-être voire le respect de l’animal. L’association L214 publie trop régulièrement des abominations dans le traitement des animaux.
3 https://www.lyonmag.com/article/113667/menu-sans-viande-dans-les-cantines-de-lyon-une-decision-pragmatique-pour-la-fcpe
4 ATTALI Jacques, Histoire de l’alimentation, De quoi manger est-il le nom ?, Paris : Fayard, 2019
5 https://www.franceculture.fr/oeuvre/histoires-de-lalimentation
6 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/02/27/non-il-n-est-pas-necessaire-de-manger-de-la-viande-pour-etre-en-bonne-sante_6071378_4355770.html
7 https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/consommation-quel-est-l-impact-ecologique-d-un-steak_3134121.html
Comment réagir, comment agir ?
Et bien peut-être en revenant à des principes simples : manger des fruits, des légumes et des céréales. Bref, se rapprocher le plus possible du végétarisme voire, pour les plus radicaux, du végétalisme. Le premier exclut la viande et le poisson alors que le végétalisme bannit tous les produits d’origine animal (viande, poisson mais aussi oeufs, produit laitier, miel, etc.). Sans viande ! Est-ce possible ?
Bien-sûr ! D’ailleurs, toujours selon Le Monde, « l’Académie de nutrition et de diététique, aux Etats-Unis, a estimé, en 2016, que les végétariens et végétaliens présentaient un risque réduit de développer certaines maladies cardiaques, certains cancers, du diabète ou de l'hypertension - à condition, bien sûr, que leur régime soit équilibré. »8
Le débat continuera puisqu’il a commencé depuis la nuit des temps. En reprenant le récit de la création, tel qu’il est mentionné dans la Bible en Genèse 1 et 2, nous constatons un régime végétalien9. Dieu n’autorise la consommation de viande, sans le sang, qu’après l’épisode du déluge10. S’ensuit des conseils nutritionnels sur les types de viande dont certaines impropres à la consommation11. Même si certains estiment caduques toutes ces recommandations, peut-être le moment est venu de réellement s’interroger sur notre pratique alimentaire. Nos choix impacteront la santé de l’homme, la vie des animaux et la préservation de la planète. Ça vaut la peine de s’y arrêter quelques instants.
Et si le premier pas était une solidarité avec les élèves lyonnais : au moins un repas par jour sans viande ? A tester.
Philippe Aurouze
8 Op. Cit.
9 Genèse 1.29, 30
10 Genèse 9.3-5
11 Lévitique 11.1-23